
Par Thomas Nardone, Directeur associé (Ultramedia)
Il y a quelques semaines, lors d’un rendez-vous avec un client, la question a fusé sans détour : « Est-ce qu’on ne gagnerait pas du temps (sous-entendu : et de l’argent) à faire rédiger tous nos contenus par une IA ? »
Ce n’était pas un trait d’humour, ni une provocation. La question était sérieuse. Et pour cause : elle est aujourd’hui incontournable. Dans les comités éditoriaux, les réunions marketing, les rédactions… elle oblige chacun à s’interroger sur la valeur réelle du contenu, ainsi que sur le rôle et la responsabilité de l’humain face à une machine capable de générer des milliers de mots en quelques secondes.
La limite de l’lA : une question de sens
Les modèles génératifs comme ChatGPT, Gemini ou Claude ne produisent pas de la pensée : ils la simulent. Leur processus consiste à anticiper statistiquement la suite logique d’une phrase ou d’un paragraphe. Autrement dit, ils répètent, reformulent et agrègent avec efficacité, mais ils ne créent pas véritablement de sens.
Le résultat : des contenus certes fluides, souvent pertinents en surface, mais rarement nuancés, sourcés ou porteurs d’un réel point de vue. L’IA génère ainsi des textes lisses, sans aspérités ni véritable prise de position. Un article généré par l’IA n’est donc pas nécessairement faux. Il est juste… interchangeable.
Soyons honnêtes : l’IA peut être une alliée précieuse. Elle est fiable et puissante pour synthétiser de la documentation, proposer des reformulations efficaces, décliner des contenus existants en différents formats…
Mais l’IA ne remplace pas une stratégie éditoriale. Elle ne définit pas les lignes directrices d’une charte éditoriale, basée sur le contexte, les objectifs et les audiences d’une marque. Elle n’insuffle pas un tone of voice cohérent avec la raison d’être et les valeurs de l’entreprise. Et surtout, elle ne peut pas faire preuve de discernement. Elle ne sait pas, par exemple, quels messages méritent d’être mis en avant, quels éléments risquent de brouiller la clarté ou de décrédibiliser la parole de la marque, ni quels sujets gagneraient à être évités par stratégie ou par souci de cohérence.
Contenus générés par l’IA : Google s’en méfie, les lecteurs aussi
Depuis 2023, Google multiplie les signaux : les contenus originaux, utiles et pensés pour les humains sont systématiquement mieux classés. Le moteur met en avant les pages qui répondent à ses critères EEAT : Expertise, Expérience, Autorité (Authoritativeness) et Fiabilité (Trustworthiness). Ce n’est pas (ou plus) la quantité de mots qui compte, mais la qualité de l’information, la légitimité de la source et la clarté de la réponse apportée à une intention de recherche.
Côté audience, on observe la même défiance : 82 % des internautes se méfient des contenus générés automatiquement (Source : Edelman Trust Barometer 2025).
Le contenu de qualité naît d’une intention éditoriale
La véritable question n’est donc pas d’opposer l’humain à la machine, mais d’articuler intelligemment les deux. La stratégie éditoriale devient ainsi plus essentielle que jamais : elle est le cadre indispensable qui garantit la cohérence, la pertinence et l’impact des contenus, qu’ils soient entièrement rédigés par des humains ou assistés par des IA.
En d’autres termes, un contenu de qualité ne résulte pas d’un bon prompt, mais d’une intention éditoriale clairement définie : à quelle audience s’adresse-t-on ? Quelle valeur ajoutée apporte-t-on ? Quel objectif vise-t-on à atteindre ?
L’IA ne tue pas le contenu, elle redéfinit les exigences éditoriales
En 2025, fuir l’IA serait un contresens stratégique, tout comme lui abandonner la totalité de la production éditoriale serait une erreur. L’IA doit être considérée comme un levier d'efficacité opérationnelle, jamais comme une stratégie éditoriale complète.
Dans un paysage saturé de contenus générés automatiquement, la véritable différenciation vient de la capacité des marques à produire des contenus utiles, incarnés, authentiques et clairement positionnés. C’est à cette condition que les contenus méritent d’être non seulement lus, mais aussi repris, partagés et cités… par les humains comme par l’IA.
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