Par Laurence Guilloud, Directrice éditoriale
Début 2020. Le « télétravail » se généralise massivement dans les entreprises. Dans les journaux télévisés, le contraste entre les open space désertés de la Défense et les portraits extatiques de cadres supérieurs (re)découvrant les vertus de la vie au grand air alimente les craintes des DRH. Tout parait alors possible, même le pire. Est-ce la fin du présentiel et le début d’un grand bouleversement de la communication interne ? Car en modifiant nos modes de travail, la crise sanitaire a également chahuté nos certitudes, nos choix de vie et nos attentes vis à vis de l’entreprise. Deux ans plus tard, sommes-nous en passe de devenir tous télétravailleurs, navetteurs de l’extrême utilisant le TGV comme on saute dans un RER pour assurer nos réunions en présentiel ?
Pas si vite ! Face au remote, une autre utopie se fraie un chemin à grand renfort de politiques publiques et de projections anticipatives : celle de « la ville du quart d’heure » qui fait le pari de rendre accessible à 15 minutes de chez soi – à pied ou à vélo – les commerces, les écoles, les équipements culturels mais aussi… son travail. Théorisé par l'universitaire franco-colombien Carlos Moreno, ce concept a été adopté par Paris début 2020, suivi par le C40, organisation regroupant 97 des plus grandes villes du monde.
Le rôle de la communication interne renforcé
Une chose est sûre désormais : le travail de demain s’annonce hybride, protéiforme, pluriel, flexible. Certains décideront ainsi de vivre très loin et de télétravailler beaucoup. D’autres choisiront l’option de la ville du quart d'heure mais souhaiteront aussi profiter de journées de distanciel. Qui sera là et quand ? Qui verra qui et où ?
Un casse-tête à venir en forme de défi pour une communication interne appelée à se réinventer et à innover pour conserver son leadership. Le distanciel-présentiel exige de nouveaux formats, de nouveaux outils et de nouveaux rituels. Objectif : créer du lien, de l’engagement et le sens du collectif ! Sur ce point, regardons du côté des start-up, là où le « home office » et le « full remote » font déjà partie de la routine organisationnelle (en bonne place à côté du baby-foot et du happiness management). Parmi les bonnes pratiques, citons par exemple les « creative morning », deux heures d’échange à bâtons rompus au format live avec des guest stars venus de tous horizons ou les « cultures book » co-construits en interne et remis en décembre aux salariés comme un best of des événements marquants de l’année.
L’onboarding fait également sa mue dans ce contexte mouvant. Comment ? En osant expérimenter. GRDF a ainsi lancé un podcast pour accueillir les arrivants à distance tandis que chez Welcome To The Jungle, une newsletter dédiée est envoyée les cinq premiers jours du parcours d’intégration avec des informations sur l’entreprise, ses engagements, sa culture, une vidéo non formatée du CEO, etc. Et ici et là, à côtés des Slack, des Trello, de nouvelles pratiques fleurissent comme les sondages destinés à faire remonter le feedback des salariés (SurveyMonkey), le travail en musique via l'app Resonatr pour créer une radio de collègues avec les morceaux préférés de chacun, ou la Thank You Machine générateur de merci informel tellement important pour la motivation et la reconnaissance du travail (bien) fait. Chaque petit geste compte.
Et en ces temps de travail hybride, parler de communication interne revient plus que jamais à embrasser la totalité des échanges qui ont lieu entre les membres d’une organisation. En particulier avec les instances dirigeantes et les managers qui devraient être de plus en plus amenés à prendre la parole sans intermédiaire pour soutenir la culture d'entreprise, la confiance, la compréhension par tous des stratégies en œuvre (commentaires de résultats, prises de parole vidéo, actualités…). Dans une récente enquête, 52% des sondés estiment que le manque de communication de la hiérarchie est un obstacle important au succès de la communication interne. L'un des effets inattendus du panachage entre télétravail et présentiel pourrait bel et bien être la diminution des distances hiérarchiques. Plus loin mais finalement plus proches !