Entreprises à mission : plus qu’un statut, l’opportunité d’innover

 

Avec la loi Pacte, plus de 505 sociétés sont devenues des entreprises à mission. Ces pionnières ont repensé leur modèle économique pour répondre aux enjeux climatiques, sociaux et sociétaux. Adopter la qualité de société à mission est un processus long et exigeant mais offre une formidable opportunité, celle d’innover et de s’adapter. Dans ces entreprises tournées vers l’avenir, ce sont les dirigeants qui donneraient l’impulsion de la démarche. L’entreprise à mission est-elle la nouvelle signature des leaders ? 

Icône du mouvement de responsabilisation des entreprises, Emmanuel Faber aurait pu tout emporter avec lui et voir s’éteindre un mouvement qu’il avait lancé deux ans plus tôt chez Danone. Et pourtant. Première entreprise à mission française du CAC 40, le Groupe n’a cessé d’entretenir la dynamique initiée par son ancien dirigeant et la loi Pacte de 2019. Le comité de direction, alors traversé par de puissants remous internes, n’a pourtant pas remis en question ce statut et l’a même redynamisé après son départ.


Plus qu’une révolution juridique, une révolution des mentalités est en marche. Encouragées par la crise sanitaire et une volonté de leurs salariés de revoir en profondeur le modèle d’affaires en y intégrant les engagements sociaux et environnementaux, de plus en plus d’entreprises se lancent dans cette voie. Inscrite dans les statuts de la société, la mission contraint l’entreprise à créer de la valeur différemment. Et l’innovation constitue le levier qui lui permettra de devenir actrice de sa mutation. Prenons l’exemple de la Camif. Cette jeune société à mission a fait de l’économie circulaire son objectif principal. Pour y parvenir, elle a réinventé son offre, en créant des collections avec des produits 100 % recyclés. Quatre ans plus tard, l’entreprise compte 80% de nouveaux clients et son chiffre d’affaires a été boosté. C’est confirmé : la société à mission redonne de l’espérance de vie économique. Alors, pourquoi hésiter ?

Un acte de leadership fort 
D’après le rapport Brocher publié en 2022, le nombre d’entreprises à mission a doublé en un an. Mais leur nombre reste faible rapporté aux 3 millions de TPE, 140 000 PME et 5 400 ETI en France. Un démarrage en douceur car beaucoup de dirigeants restent à convaincre… Car devenir une Société à mission prend du temps, deux ans en moyenne. Un délai incompressible quand il faut tout remettre à plat. Et il est plus rapide de transformer une entreprise de 40 personnes qu’un groupe de 300 000. Cela explique pourquoi 79 % des entreprises à mission sont des sociétés qui comptent une trentaine de collaborateurs. De plus, là où la RSE n’impacte que partiellement l’activité de l’entreprise, la société à mission vient, elle, la faire évoluer dans sa globalité, sur toutes ses strates. Elle va orienter l’ensemble des décisions, en interne comme en externe. C’est donc un acte de courage et de leadership fort que de réinterroger la finalité de l’entreprise. Un geste inspirant aussi pour les équipes. D’autant plus quand on sait qu’une entreprise à mission introduit la notion d’intérêt social de l’entreprise, qui va au-delà des attentes des actionnaires. Axa, qui se positionne désormais dans la lutte contre le réchauffement climatique, s’est ainsi engagé à sortir des activités liées au charbon d’ici 2030. Une décision qui pourrait l’amener à renoncer à des marchés porteurs. 

Exit la RSE ? 
Le fondateur de Veja, célèbre fabricant de baskets équitables, l’a compris très tôt. Il a été le premier à reprendre la main sur la production en sourçant toutes ses matières premières et en choisissant son écosystème de partenaires. Il a ainsi fait évoluer tout un secteur rétif aux changements pour l’adapter aux grands défis climatiques de notre époque. Les entreprises à mission sont ainsi. Elles cherchent les futurs sujets de R&D, elles inventent de nouvelles façons de produire dans le respect de l’environnement et des populations. L’innovation n’est pourtant pas leur apanage.

On pense spontanément à toutes ces entreprises lancées dans une démarche RSE. Peuvent-elles autant innover qu’une société à mission ? Pour pouvoir répondre, il faut revenir aux fondements des deux démarches. RSE et société à mission ont des effets très différents sur l’organisation de l’entreprise. Dans le cas de la RSE, il s’agit de piloter l’impact de l’entreprise sur la société et l’environnement. Dans celui des sociétés à mission, l’entreprise a défini elle-même sa trajectoire pour le futur, en adéquation avec ses valeurs. Patagonia a supprimé son département RSE en 2014 pour redonner de la puissance à sa mission et la repositionner au cœur de son activité. Une stratégie RSE constitue donc un premier pas et pour celles qui s’y sont lancées, le processus est déjà en marche…

Par Jeanne Camuset, Directrice Conseil

Retour en haut