Entre exaltation et anxiété, Instagram, réseau de contradictions

Comment expliquer les formes d’addiction par les jeunes au réseau social, et quelles solutions envisager ?

Par Joris Tomas, Social Media Manager

Au début du mois de septembre, des documents internes à Instagram ont été rendus publics par le Wall Street Journal. Issus de recherches menées par l’entreprise, ces derniers révèlent que l’utilisation du réseau social par les plus jeunes a des incidences négatives sur leur image et leur santé mentale. Pourtant, Instagram demeure (de très loin) le réseau favori des 16-25 ans, qui sont 82% à l’utiliser de façon régulière, devant Snapchat (74%) et Facebook (54%). Comment expliquer cette étrange forme d’addiction et quelles solutions envisager ?

« Nous empirons le rapport à son corps d’une ado sur trois ». C’est sur une diapositive extraite d’un document Instagram projeté en interne en 2019 qu’on peut lire ce constat froid et glaçant. Il dit la complexité du sujet, et l’ampleur du problème. 
De fait, et en comparaison des autres applications et réseaux sociaux, Instagram met particulièrement l’accent sur le beau, le rêve… l’embellissement de soi et de sa vie, en somme. Sur Snapchat et TikTok, autres réseaux fortement plébiscités par les jeunes, les filtres et les modifications physiques ont une portée bien plus humoristique, la Beauté du produit important peu. Instagram, lui, a consacré l’avènement du selfie retouché qui semble avoir un effet particulièrement pernicieux sur l’estime de soi des utilisateurs qui le consultent. Jusqu’ici, Facebook (propriétaire d’Instagram, faut-il le rappeler) se cachait derrière l’absence de « consensus scientifique » sur la question. Face à l’ampleur du phénomène et du bad-buzz, l’application dit désormais « réfléchir à des solutions » et rappelle son « engagement à comprendre ces sujets complexes ». De vagues promesses qui n’engagent que très peu. 

Le « premium médiocre », ou la vacuité faite Reine 
Théorisé par le consultant et auteur américain Venkatesh Rao, le concept de « premium médiocre » désigne cette tendance marketing qui veut présenter sous un jour « luxueux » les choses du quotidien : plats insipides vendus 40 euros parce que très « instagrammables », accessoires de mode hors de prix mais signes de richesse intérieure, yaourts bio 0% 100% écofriendly et écoresponsables avec lesquels poser sur Instagram pour parfaire son e-réputation et son image de « gens bien » … Le premium médiocre, c’est l’illusion et la fausse promesse d’appartenir à une classe sociale qui n’est pas la nôtre. C’est malheureusement l’un des dégâts collatéraux et délétères du capitalisme : dans un monde où chacun rêve d’abondance, de richesse, et de célébrité, les marques (et parfois à travers elles, les agences de communication) ont tendance à trop vouloir sublimer la banalité. 

Au-delà du vœu pieux : de la nécessité de repenser le rapport à Instagram
Face à un tel constat, il incombe aux marques (et à travers elles, à nous, agences de communication), de repenser en profondeur la façon dont elles utilisent Instagram, et les contenus qu’elles y publient. Plutôt que de céder aux sirènes d’un marketing médiocre et consensuel qui tente de sublimer le vide, mettons l’accent sur la constitution et la fédération de communautés, autour de valeurs en phase avec l’ère du temps et les préoccupations sociétales. Faisons en sorte que l’authenticité et la sincérité ne soient plus des concepts galvaudés et vides de sens. Tâchons d’engager réellement nos publics autour de nos contenus, sans fausse promesse et sans poudre aux yeux.

À défaut de penser, peut-être naïvement, qu’Instagram initiera de véritables changements, repensons sans attendre notre rapport à ce réseau et ce que nous consentons d’y projeter. 

Retour en haut