La communication interne face à une triple crise identitaire

Les deux dernières années ont bouleversé la relation entre l’entreprise et les collaborateurs, accélérant la transformation des usages et des besoins en matière de communication interne.

Par Arnaud Saint Jean, Directeur conseil associé

Les deux dernières années ont bouleversé la relation entre l’entreprise et les collaborateurs, accélérant la transformation des usages et des besoins en matière de communication interne. Mais, au-delà des nouveaux outils ou de schémas organisationnels réinventés, ces évolutions traduisent des mutations plus profondes, liées à une triple crise identitaire que traversent l’entreprise, les collaborateurs et les communicants internes eux-mêmes.

Malmenées par les crises successives, sommées par leur public de changer de terrains d’expression, challengées tant par des collaborateurs qui redéfinissent leur relation au travail que par de nouvelles générations qui arrivent avec leur conception nouvelle de la vie professionnelle, les entreprises n’ont d’autre choix que d’amorcer des transformations profondes, qui dépassent leur seul modèle économique.

Du côté des collaborateurs, les confinements successifs et la démocratisation de schémas assouplis (télétravail, flex office…) ont entrainé une introspection généralisée : quête de « sens », découverte d’un équilibre vie privée-vie professionnelle redéfini, réduction des interactions sociales au travail entrainée par la distance ou des pratiques comme le flex office... le facteur convivialité a perdu de son importance et de son pouvoir de rétention. Et s’il est peut-être tôt pour parler de « grande démission » en France, un « grand désengagement » est observable dans de nombreuses entreprises, requestionnant inévitablement le contrat social entre celles-ci et leurs collaborateurs.

La communication interne face à ses propres tiraillements

Trait d’union entre l’entreprise et les collaborateurs, les directions de la communication interne n’échappent pas aux turbulences ni à leur propre mutation. Longtemps cantonnée au rôle de porte-parole interne de l’entreprise, puis transformée en animatrice de l’émulation des équipes, la communication interne se cherche un nouveau positionnement.

Voix officielle de l’entreprise ou agence de communication intégrée, au service de métiers devenus autonomes dans leur communication ? Content factory productrice pour les équipes ou prestataire conseil pour les aider à mieux communiquer ? La réponse n’est pas universelle et dépend des organisations, mais s’il fallait parler de tendance, gageons qu’elle se situerait à mi-chemin.

Le porte-parole, devenu animateur, se transforme en accompagnateur

Car, dans le contexte actuel, 3 responsabilités majeures reposent pour beaucoup sur la communication interne.

  1. Accompagner les transformations

Évolution des marchés, changement de stratégie, mutation des métiers et de la relation client, nouvelles pratiques managériales, renouvellement des talents… la première mission de la communication interne est d’aider à faire comprendre les transformations. Auprès des équipes comme des dirigeants. Un rôle majeur dans la construction d’une culture économique forte chez les équipes, pour faciliter la compréhension des évolutions à l’œuvre. Une mission qui nécessite transparence et pédagogie sur les sujets stratégiques. Accompagner les transformations, c’est aussi repenser son rôle auprès d’équipes - dont les pratiques pour s’informer et communiquer - ont profondément évolué ces deux dernières années.

  1. Offrir un cadre et donner un cap

En période d’instabilité, le cadre rassure et un cap partagé permet de se projeter. Au-delà de faire comprendre les transformations à l’œuvre, la communication interne doit clarifier, partager cette vision ; et, si possible, mobiliser autour de celle-ci. Là encore, énoncer ne suffit pas, il faut expliquer, donner du sens et entretenir le sujet dans la durée. Un cap stratégique se contextualise, il s’illustre et doit vivre tout au long de l’année, autour de jalons concrets.

  1. Consolider la culture d’entreprise

Télétravail, flex office, disparition des événements physiques, désengagement des équipes mettent à mal la culture d’entreprise. La communication interne doit endosser cette responsabilité. Comme l’écrit l’éditeur belge de solution de Digital Workplace Meet Roger, dans son livre blanc consacré à la question : « la communication interne doit être le ciment commun qui lie toutes les étapes de l’expérience collaborateur, de son recrutement à son évolution et jusqu’à son départ ».

La communication interne doit assumer son statut de levier de performance

Ces 3 missions hautement stratégiques soulignent l’importance particulière prise par la communication interne, qui voit le spectre de ses responsabilités s’élargir : participer à une meilleure circulation et compréhension de l’information, contribuer ainsi à la montée en compétences et à l’engagement des équipes, rendre les collaborateurs plus efficaces dans leurs échanges et leurs métiers, alimenter la fierté d’appartenance, essentielle à la fidélisation des équipes comme à l’attractivité auprès de nouveaux talents ; mais aussi servir la stratégie de l’entreprise, en l’expliquant, en la valorisant et en favorisant l’adhésion. Quitte à se réapproprier certains messages et canaux exclusifs, en tant que « voix de l’entreprise ».

Pour réussir cette montée en responsabilités, la communication interne ne doit pas se tromper de bataille : au-delà des outils ou des modèles de gouvernance, c’est sur sa posture qu’elle doit travailler. Autour de deux axes prioritaires.

D’abord, assumer son statut de levier de performance. Performance en matière de qualité de l’information et d’engagement des collaborateurs. Mais aussi, et c’est une conséquence, performance opérationnelle des métiers et donc économique pour l’entreprise.

Ensuite, adopter une posture d’écoute active de l’entreprise ET des collaborateurs, interroger les objectifs, les usages et les besoins respectifs. Aller, pour cela, à la rencontre des métiers, retourner sur le terrain, consulter les équipes, analyser la data autour des canaux de communication interne… Et, si c’est ce qui remonte du terrain, accepter d’apparents anachronismes, comme le besoin exprimé d’un retour à une communication interne plus descendante, officielle. 

Cette posture, la communication interne doit l’exprimer, voire l’expliquer auprès des équipes, que ces dernières comprennent aussi sur quel terrain elles sont en droit de l’attendre. Même s’il faut pour cela abandonner d’anciennes mauvaises habitudes, comme celle par exemple de se mettre en position de « simple » producteur de contenus à la demande.

Il est donc temps, pour la communication interne, d’assumer pleinement un certain leadership en interne. 

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